Middle East Watch
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© George – décembre 2024
Le Monde
mardi 15 ذو القعدة 1430, par
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Son visage épanoui était éloquent : le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, n’a pas boudé son plaisir, dimanche 1er novembre, au lendemain de la visite de Hillary Clinton à Jérusalem, au cours de laquelle la secrétaire d’Etat américaine a clairement soutenu la position israélienne et pris ses distances avec celle défendue par Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne.
"La preuve est faite, s’est félicité Danny Ayalon, vice-ministre israélien des affaires étrangères, que les Etats-Unis sont nos meilleurs amis et que l’attitude ferme d’Israël sur ses positions est payante." Prenant le contre-pied du point de vue palestinien, pour qui un gel total de la colonisation juive dans les territoires occupés doit précéder la reprise des pourparlers de paix, Mme Clinton a estimé que l’arrêt de la construction "n’a jamais été une précondition ; cela a toujours été une question faisant partie des négociations".
Reprenant l’expression employée par M. Nétanyahou d’une simple "limitation" de la colonisation, elle a estimé qu’en annonçant qu’il n’y aurait pas de nouveaux permis de construction, le premier ministre israélien avait fait une concession "sans précédent" dans un contexte de pré- négociations. Cette position, qui a provoqué déception et colère chez les Palestiniens, confirme une volte-face de l’administration américaine sur ce sujet, tout en assombrissant davantage les perspectives d’une relance du processus de paix.
"BARRE TRÈS HAUT"
Dès son entrée à la Maison Blanche, le président Barack Obama avait insisté sur un gel total de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, condition sine qua non, selon lui, d’une relance du processus de paix. La secrétaire d’Etat américaine avait explicité cette position le 27 mai : "Le président a été très clair avec M. Nétanyahou : il veut qu’il y ait un arrêt de la colonisation. Pas quelques colonies, pas d’avant-postes (les implantations sauvages), pas d’exceptions pour la croissance naturelle (démographique)" des colons, avait-elle martelé.
Puis, la position israélienne demeurant inflexible, le discours américain a évolué : le "gel" s’est transformé en "limitation" de la colonisation. Fin août, un représentant du département d’Etat expliquait que l’administration avait "placé la barre très haut" et qu’il s’agissait de savoir "jusqu’où on peut s’approcher de ce but", l’essentiel étant la reprise des négociations. C’est ce message que Mme Clinton a réaffirmé à Jérusalem.
Dans toute négociation, a-t-elle expliqué, "il y a toujours des demandes qui ne sont pas complètement réalisées". La secrétaire d’Etat avait rencontré Mahmoud Abbas samedi, à Abu Dhabi et cet entretien s’est mal déroulé. "Le président Abbas a informé Mme Clinton de son refus absolu d’une reprise des négociations avec Israël" sans un gel préalable de la colonisation, a indiqué le principal négociateur palestinien, Saëb Erakat.
Alors que M. Nétanyahou a affirmé que l’Autorité palestinienne utilisait la question de la colonisation comme "prétexte" pour ne pas reprendre les négociations, le porte-parole de M. Abbas, Nabil Abou Roudeina, a estimé que les négociations "sont paralysées", ajoutant : "Le résultat de l’intransigeance israélienne et du rétropédalage de l’Amérique est qu’il n’y a pas d’espoir de reprise à l’horizon."
"Faire pression sur les Palestiniens pour qu’ils fassent davantage de concessions, afin d’accommoder l’intransigeance d’Israël n’est pas la réponse", a ajouté M. Erakat. La position adoptée par Mme Clinton illustre d’une certaine façon le pragmatisme diplomatique américain : ayant fait le constat que l’exigence d’un gel de la colonisation menait à une impasse, l’administration Obama appelle désormais à une reprise sans conditions des négociations.
Ce virage devrait avoir pour effet de conforter la détermination de M. Nétanyahou à ne pas accepter un compromis, ainsi que l’encourage le puissant lobby des colons. Il place M. Abbas dans une situation difficile, en l’incitant à l’intransigeance : très critiqué dans son camp en raison des concessions qu’il avait acceptées pour conserver le soutien des Etats-Unis, le président de l’Autorité palestinienne ne peut plus se permettre d’apparaître en position de faiblesse.
La division entre le Fatah, qui contrôle l’Autorité palestinienne, et le Hamas est désormais critique, et les récents affrontements qui se sont déroulés à Jérusalem à l’appel de mouvements radicaux, musulmans et juifs, nourrissent un sentiment d’inquiétude, tant du côté palestinien qu’israélien.