Middle East Watch

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© George – décembre 2024


Ascension du caractère juif d’Israël et déclin de l’arabité de la Palestine ?

Arabes de 48 - Traduit de l’arabe par Nadine Acoury

vendredi 7 رمضان 1430, par Suleiman Abu Sitta

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Tandis que les médias se préoccupent du gel ou de la poursuite de la construction des colonies et de la concurrence sur les postes du congrès de Fatah à Bethléhem, se déroule sous nos yeux la plus importante et la plus dangereuse opération sioniste depuis la Nakba de 1948, et peut-être encore plus dangereuse que la Nakba : la disparition juridique et territoriale de l’existence effective de la Palestine.

Cette offensive ne suscite étrangement aucun intérêt ni dans le monde arabe, ni au sein de la direction palestinienne absorbée dans la répartition des charges honorifiques et dans la guerre contre son ennemi, le Hamas.

La direction sioniste en Israël est passée du stade de revendication du caractère juif de l’Etat au stade de sa mise en oeuvre dans les faits de manière définitive. La Knesset a approuvé le 3 août 2009 en deuxième et en troisième lecture, le projet de vente des terres des réfugiés à des personnes physiques et morales exclusivement juives, de toutes nationalités. De ce fait, et aux termes de cette loi, le lien qui rattache le propriétaire palestinien à sa terre est rompu. Depuis 1948 et jusqu’à ce jour, Israël n’avait encore jamais osé entreprendre légalement et publiquement une telle démarche.
En 1948-1949 Israël a été créé sur 20.255 mètres carrés, soit sur 78% du territoire de la Palestine qu’il avait occupé aux termes des accord d’armistice conclus avec quatre pays arabes en 1949.

A l’époque, Israël avait inventé des stratagèmes juridiques sophistiqués pour exploiter ces terres sans en détenir la propriété légale, de crainte de soulever l’opprobre internationale et de se retrouver devant les tribunaux internationaux. Or, seule une surface de 7% (soit 1.429.000 dunums**) d’Israël peut être considérée comme une terre juive selon les cadastres du mandat [britannique], tandis que les 93%, correspondant à 18.826.000 dunums, sont depuis des siècles, des terres palestiniennes appartenant aux habitants du pays, avec leurs ressources en eau et en minéraux, qu’elles soient sous le régime de la propriété privée, publique, ou communale, de la même façon que les terres syriennes sont syriennes et que les terres égyptiennes sont égyptiennes.

En 1948, croyant dissuader les réfugiés de revendiquer leur droit au retour, Israël a détruit les villages, brûlé les moissons et empoisonné les puits.

Au niveau politique, un mois après sa création, Israël a déclaré qu’il n’accepterait pas le retour des réfugiés car ceux-ci mettaient en péril sa sécurité. Mais la question la plus importante pour Israël était : comment exploiter les immenses terres et les précieuses propriétés palestiniennes qui se trouvaient dans 14 villes, sans déclencher une opposition internationale qui pourrait mener au retour des réfugiés et à leur réappropriation de leurs biens.

Les dix premières années de la création d’Israël ont été consacrées à la résolution de ce problème. En 1950, la Loi sur les biens des absents et des absents-présents (ou les Palestiniens qui étaient demeurés en Israël) a été promulguée. Cette loi soumet tous ces biens à l’autorité d’un "administrateur" ou "curateur" qui ne peut les vendre.

Toujours en 1950, [cinq mois après] une autre loi est promulguée : la Loi sur l’autorité de développement, qui permet de récupérer les biens précédemment placés sous l’autorité de l’"administrateur", de les exploiter, les louer et les vendre uniquement à des juifs.
Dès qu’il a appris que le comte Foulke Bernadotte, mandataire international nommé par l’ONU, allait recommander dans son rapport final le retour des réfugiés, Ben Gourion a conclu un accord avec le Fonds national juif, une organisation internationale, lui transférant de manière formelle la propriété de 2,5 millions de dunum des terres des réfugiés, parmi les plus fertiles et les mieux placées sur la ligne de l’armistice.. Ce subterfuge lui permettait de prétendre que les terres n’appartenaient pas à l’Etat d’Israël, et que, par conséquent, Israël ne pouvait pas les rendre aux réfugiés. En réalité, le comte Foulke Bernadotte a été assassiné [par les sionistes en septembre 1948], et la résolution 194 autorisant le retour des réfugiés, comme l’avait prévu Ben Gourion, a été votée. Mais Israël a réussi à faire capoter les discussions de Lausanne de 1949-1950 qui devaient mettre en application la résolution 194. Ce qui permit à Israël de continuer à contrôler les terres des réfugiés.
Les problèmes juridiques sont finalement réglés en 1960 par la Loi sur l’administration des terres d’Israël (plus justement Loi de l’administration des terres par Israël) qui a regroupé toutes les terres palestiniennes confisquées par Israël avec les terres du Fonds national juif sous une même administration, chargée de répartir et de louer ces terres aux juifs, mais non de les vendre. Ce qui porte à 19 millions de dunums la surface totale détenue par le Fonds national juif.

La dernière loi promulguée ce mois-ci par la Knesset autorise l’administration des terres à vendre les terres qu’elle détient à ses locataires juifs actuels. Les habitants des kibboutz et des moshav, qui ont mis la main sur la plus grande partie des terres agricoles des réfugiés et qui n’ont pas réussi à les cultiver et de ce fait réintégré leurs occupations dans le commerce et la finance, pourront ainsi transformer ces terres en pôles industriels et touristiques.

Des négociations sont actuellement en cours entre le Fonds national juif et l’Administration israélienne des terres en vue d’échanges de terres, de sorte que l’Administration, qui a besoin des terres détenues par le Fonds au centre du pays pour construire des logements, les échange contre des terres appartenant aux réfugiés en Galilée et au Neguev qui pourront accueillir des nouveaux colons. Sans oublier, bien entendu, que ni le Fonds ni l’Administration ne disposent de la propriété juridique complète de ces terres.

Le plus dangereux, c’est que si le Fonds obtient les terres des réfugiés en question, il pourra, sur la base de ses statuts qui réservent le droit d’exploitation de ces terres aux seuls juifs, interdire aux citoyens palestiniens le droit d’exploiter leurs terres, en application du régime de discrimination raciale contre les non-juifs, alors que ces terres appartiennent à l’origine à des non-juifs. En conséquence de la promulgation de la loi et de l’échange qui en résultera, la complète propriété de 90.000 logements sera transférée à leurs locataires actuels.

Il est évident que la confiscation et la vente des terres palestiniennes constituent des violations claires du droit international, de la Convention de La Haye de 1907 qui qualifie de "pillage" une telle opération, de la quatrième convention de Genève (article 147) qui prohibe la confiscation collective des biens, et le statut du tribunal militaire de Nuremberg qui dénonce le pillage des biens publics ou privés dans un pays occupé [et le qualifie de crime de guerre].

Par ailleurs, les Nations Unies ont adopté des résolutions dans les années 1996, 1997 et 1998, parmi lesquelles la résolution 52/62 qui stipule que les réfugiés arabes de Palestine ont droit à leurs biens et aux revenus en provenant, et qui oblige Israël à conserver les terres des réfugiés, à les lister et à documenter les informations les concernant et qui réaffirme le droit des réfugiés à leurs biens et aux revenus en provenant depuis 1948.
Israël a atteint un nouveau sommet de mépris du droit international, et ses alliés américains et européens n’ont pas levé le petit doigt tandis que, il y a quinze jour, des habitants de Jérusalem étaient expulsés de leur maison sous les yeux de la communauté internationale qui s’est contentée de proférer quelques murmures de désapprobation.

Comment ne pas trouver étrange qu’Israël décide d’annexer la Cisjordanie sans susciter l’intérêt ou la protestation de quiconque, surtout qu’il ne s’agit plus là de confisquer des parcelles ici et là sur les sommets des collines pour y implanter des colonies.

Le juge du tribunal de Ramleh a décidé, selon Ha’aretz (02/08/2009), d’appliquer la Loi sur les biens des absents en Cisjordanie. Cela signifie qu’Israël va confisquer des terres palestiniennes s’il décide que leur propriétaire est absent. Cette décision contrevient aux résolutions du Conseil de sécurité et à l’avis consultatif rendu par la Cour Internationale de Justice de La Haye, le 9 juillet 2004, qui affirme de manière catégorique que la Cisjordanie est une terre occupée et donc insusceptible d’être annexée ou confisquée.

Face à cela pas un seul mot de protestation ne s’est élevé ni du côté arabe ni du côté occidental ! Pire encore, Israël a déclaré dans le quotidien palestinien Al-Quds le 28/06/2009, son intention d’enregistrer dans le cadastre de l’Etat d’Israël 139.000 dunums situés au nord et à l’ouest de la mer morte sans provoquer une seule contestation ! Le futur Etat palestinien sera privé de ce fait de l’eau de la mer morte et de ses rivages et ressources minières ainsi que de ses frontières avec la Jordanie.

Et pendant ce temps, soit on n’est pas au courant de ce qui se passe, soit on sait quelque chose mais on se tait, soit on ouvre la bouche mais on ne fait rien.

On en arrive à la situation où toute la cause palestinienne se réduit à son peuple qui vit en exil et à sa terre qui était jadis sous contrôle israélienn et qui se retrouve aujourd’hui morcelée en parcelles légalement détenues par des juifs venus d’autres pays.

Quoi qu’il en soit, le droit est imprescriptible et il suffit pour ceux qui le revendiquent de se lever et d’accomplir leur devoir.

Le premier cri d’alarme a été le fait de l’association Adalah, association de défense des droits des Palestiniens de 48, établie à Nazareth, qui a saisi le 22/06/2009, le procureur général de l’Etat hébreu, dans une lettre où elle protestait contre la vente des terres des réfugiés sur le fondement du droit international et israélien. De son côté, l’association Ittijah de Haïfa a publié un communiqué pour dénoncer la distribution du butin de la guerre de 1948 aux juifs de toutes nationalités et exhorter la solidarité arabe et occidentale à barrer la route à ce pillage accompli au vu et au su du monde entier.

Mais beaucoup d’autres choses restent à faire qui n’ont pas été faites.

La Ligue arabe doit présenter un projet de résolution à la prochaine assemblée des Nations Unies appelant à l’arrêt et à l’annulation immédiates des ventes des terres des réfugiés, la dénonciation de ces opérations et l’envoi d’une commission sur place chargée de recueillir, documenter et enregistrer les faits sur cette question, évaluer les revenus provenant de l’exploitation des terres depuis 62 ans (tel que préconisé par le rapport présenté en 1964 par Frank Jarvis, expert foncier de la commission de conciliation) en vue d’émettre une résolution qui place ces terres sous contrôle international.

De son côté, la direction palestinienne, une fois qu’elle en aura terminé avec la distribution des charges honorifiques, doit prendre les mesures diplomatiques effectives qui s’imposent, à défaut de quoi dans quelques années elle ne trouvera plus une terre palestinienne sur laquelle établir un Etat ou une quelconque autorité.

Quant au peuple palestinien (11 millions de personnes dans les pays arabes et à l’étranger), et bien qu’il ait été jusqu’à présent spolié de son droit d’élire un conseil national qui le représente réellement, il ne renoncera pas à son droit à sa patrie. Et en l’absence de cette représentation nationale, il trouvera sans aucun doute de nouveaux types d’organisation pour le représenter et défendre ses droits, et pourra dénoncer le pillage systématique de ses fondements nationaux.

En tout état de cause, la seule chose prévisible à long terme est la disparition du sionisme et le retour de l’arabité de la Palestine.


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