Middle East Watch
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© George – décembre 2024
Les 100 clés du Proche-Orient - Hachette
samedi 12 صفر 1430, par
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Dite du Liban, où se déroule cette fois le conflit, le cinquième de l’histoire du Proche-Orient depuis la Seconde Guerre mondiale. Il diffère profondément des précédents, sur trois points notamment : c’est plus un conflit israélo-palestinien qu’israélo-arabe, il est de longue durée et, enfin, ne se solde pas, pour Israël, par une réussite évidente.
Le déclenchement par Menahem Begin de l’invasion du Liban a ceci de commun avec l’ouverture de la guerre de Kippour par Anouar Al Sadate que, si la date choisie peut surprendre, les hostilités, elles, ne sont en rien inattendues. Les accords de Camp David ont mené à une impasse : autant le traité de paix israélo-égyptien a été mis en œuvre, autant les négociations sur l’autonomie palestinienne sont restées à l’état de projet. Le Caire et Jérusalem en ont certes âprement discuté, mais sans que la Jordanie et a fortiori l’OLP se joignent au débat. L’assassinat de Sadate, en octobre 1981, entraîne aussi une attitude plus ferme du Caire sur la question palestinienne. Faute de le faire sur la table verte, c’est donc sur le terrain que les Israéliens tentent de régler le problème palestinien : en Cisjordanie et à Gaza, où colonisation et répression s’accélèrent, et au Liban où les opérations de l’armée israélienne se multiplient. Sachant l’Égypte exclusivement soucieuse de ne pas compromettre la récupération du Sinaï, le monde arabe divisé, l’OLP assez isolée, les dirigeants israéliens se sentent les mains libres. L’escalade dans la tension est manifeste tout au long de l’année 1981 : après la « crise des missiles » avec la Syrie au printemps, c’est, le 7 juin, le raid contre le centre nucléaire irakien de Tamouz et, en décembre, l’annexion du plateau du Golan. Mais en juillet, surtout, l’armée israélienne et les troupes de l’OLP basées au Sud-Liban s’étaient longuement bombardées, jusqu’à ce que les États-Unis négocient un cessez-le-feu avec les deux parties qui sera respecté.
« Paix pour la Galilée » : c’est pourtant le nom donné, le 6 juin 1982, en référence aux incidents de l’été 1981 - alors que le cessez-le-feu a été depuis scrupuleusement respecté par l’OLP - à l’opération militaire israélienne au Liban. Officiellement, il s’agit « seulement » de s’assurer le contrôle d’une bande de 40 kilomètres, d’où les « terroristes » ne puissent plus pilonner le nord du pays. En fait d’intervention « limitée », l’armée israélienne se retrouve, fin juin (après que l’armée syrienne eut le 11, à l’issue de durs combats, signé un cessez-le-feu), aux portes de Beyrouth. Alors commence le siège de la partie occidentale de la capitale libanaise, où Palestiniens et Mouvement national libanais combattent côte à côte, tandis que les phalangistes prêtent main forte - mais sans participer aux combats - aux soldats hébreux. Bombes au phosphore, bombes au napalm, bombes à fragmentation et bombes à implosion, déversées sans répit sur l’ouest de la ville affamée et assoiffée, n’en viendront cependant pas à bout. Le 7 août, le médiateur américain, Philip Habib, annonce un accord américano-libano-palestinien pour laisser partir les miliciens de l’OLP, sous la protection d’un contingent international - il sera franco-italien.
Après une dernière vague de bombardements, ce sera chose faite : le 30 août, Yasser Arafat et ses dernières troupes quittent Beyrouth où vont pénétrer, le 15 septembre, au lendemain de l’assassinat de Bechir Gemayel, celles du général Ariel Sharon. Les 16 et 17, sous leurs yeux, les Phalanges massacrent des centaines et des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants habitant les camps palestiniens de Sabra et de Chatila. Ainsi se clôt, dans la tragédie, la première phase de la guerre. Une seconde phase s’ouvre : celle de l’occupation par Israël du Sud-Liban, provoquant une résistance populaire et armée de plus en plus massive, au point que Jérusalem et son armée préfèrent s’en retirer, trois ans plus tard, à l’exception d’une zone « de sécurité » qu’ils n’évacueront qu’en 2000...
Tel est, en effet, le premier résultat, le plus palpable, de l’invasion du Liban : un bourbier dans lequel, des mois durant, Israël s’empêtrera, au prix de centaines de morts, de milliers de blessés, de centaines de millions de dollars de frais d’occupation, sans parler de l’hostilité quasi unanime d’une population - essentiellement chiite - qui avait assez bien accueilli les soldats israéliens en juin 1982, espérant, grâce à elle, être débarrassée des Palestiniens. Un coût exorbitant : le jeu en valait-il, du point de vue israélien, la chandelle ? Le bilan de l’affaire libanaise est, à l’examen, des plus mitigés.
Anéantissement de l’OLP ? C’était l’objectif affiché par Ariel Sharon. « Nous sommes là, déclare-t-il le 12 juin 1982, pour détruire totalement et pour toujours les terroristes de l’OLP. » Si la Résistance palestinienne n’est pas morte écrasée dans l’étau et a pu quitter Beyrouth, elle y a subi des coups importants, mais la Résistance survivra à cette nouvelle épreuve, comme aux précédentes.
Un État fort, chrétien et ami d’Israël, au Liban ? Ce fut, de longue date, le rêve des dirigeants israéliens. D’évidence, l’opération n’a pas contribué à le réaliser. Après une période prometteuse pour Jérusalem durant laquelle Amine Gemayel semblait prendre le pays en main et signe, le 17 mai 1983, un traité de la paix avec l’État juif, le cours des choses s’est inversé. Beyrouth a rompu ses contacts et la Syrie retrouvé son influence dominante au pays du Cédre.
Un dernier élément, difficilement mesurable, joue cependant un rôle non négligeable dans l’appréciation négative que portent la plupart des observateurs sur l’invasion du Liban : c’est la dégradation de l’image d’Israël. Pour la première fois de son histoire, une initiative militaire de l’État hébreu est apparue illégitime en Occident, parce que non nécessaire à sa défense, a fortiori à sa survie. C’est une opinion déjà déstabilisée que viendront impressionner les images horribles retransmises par les médias, celles de Beyrouth assiégée et plus encore celles de Sabra et Chatila.