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Actes Sud - Sindbad - Mars 2007
mercredi 29 ربيع الثاني 1428, par
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L’Etat d’Israël avait-il été surpris par l’accrochage entre une de ses patrouilles et le Hezbollah ? Cette question pose la problématique de la préméditation et de l’intensité de la riposte israélienne.
Dans un entretien au mensuel du judaïsme français, L’Arche, le général Kaplinsky, numéro deux de Tsahal, présentait plusieurs mois avant la guerre sa vision de la situation du Hezbollah libanais. Il évaluait à 10 000 missiles la capacité de frappe du mouvement et situait le rayon d’action de certains d’entre eux bien au-delà de Haïfa (75 kilomètres). Cette estimation quantitative de l’arsenal du Hezbollah s’avérera nettement sous-évaluée, de l’ordre du simple au double.
Il confirmait le sentiment que l’Etat d’Israël puisse être soumis à la menace d’une campagne générale de frappe sur le nord de son territoire. De plus, faisant montre de sa connaissance de la tactique du Hezbollah, il révélait les détails d’un accrochage frontalier en date du 21 novembre 2005 : le Hezbollah cherchait régulièrement à capturer des soldats de Tsahal pour négocier des échanges de prisonniers.
Le général Kaplinsky écrivait en février 2006 : "Nous aurons à faire face à d’autres opérations du même ordre dans ce secteur". Voici qui ôte toute idée de surprise quant à l’opération Hezbollah du 12 juillet 2006.
Le général israélien précisait déjà le format de la riposte : "Nous serions contraints de frapper des cibles au Liban et peut-être même de monter une opération terrestre là-bas pour récupérer les nôtres". Il s’agissait de frapper des cibles délimitées et de monter des opérations d’extraction de soldats capturés.
Il n’était pas question d’un conflit de grande envergure. D’ailleurs la connaissance par Israël de sa vulnérabilité potentielle à des bombardements intenses du nord de son territoire par l’arsenal Hezbollah laissait penser qu’il n’était pas deson intérêt d’ouvrir un conflit majeur.
Pourquoi, dans ce cas, Israël a-t-il choisi le 13 juillet de se livrer à une riposte d’envergure, dépassant de loin les préconisations tactiques présentées par le numéro deux de Tsahal quelques mois auparavant ? Pourquoi bombarder l’aéroport de Beyrouth en première cible vingt-quatre heures à peine après l’accrochage générateur ?
Le journal américain New Yorker affirmait début août qu’Israël avait préparé un plan général d’attaque contre le Hezbollah, que les Etats-Unis en étaient parfaitement informés, et qu’ils avaient d’ailleurs contribué à planifier cette opération.
En tout état de cause, Israël ne pouvait pas être surpris par une action du Hezbollah. La question centrale était donc de tenter de comprendre pourquoi il avait été décidé d’ouvrir un front important au nord du pays, et pourquoi le choix d’engager une guerre contre le Liban tout entier.
L’accrochage frontalier du 12 juillet 2006 débouchait sur une escalade immédiate marquée par de violents échanges d’artillerie de part et d’autre de la ligne bleue. Les tirs de roquettes sur le nord d’Israël débutaient seulement le 13 au matin après le bombardement de l’aéroport de Beyrouth. Pourtant le gouvernement israélien avait opéré dès le 12 juillet le choix de la confrontation avec le Liban. Avec quels objectifs ?
Tout d’abord, restaurer la dissuasion de la puissance de feu israélienne. Le gouvernement israélien considérait son retrait unilatéral de Gaza comme un échec de fait. Les tirs réguliers d’engins contre le sud de son territoire étaient psychologiquement pénibles à supporter. Israël était également atteint par six années e confrontations armées contre les Palestiniens depuis la reprise de l’intifada. Des dizaines d’attentats avaient touché la population israélienne les dernières années, créant une sourde tension dans l’opinion publique.
De plus, le retrait unilatéral et brusque du Liban en mai 2000 apparaissait comme un échec militaire.
Enfin et surtout, les intentions exprimées par le président iranien suscitaient une vive inquiétude : ne faisait-il pas de la destruction d’Israël son cheval de bataille. L’état-major de Tsahal pouvait donc être tenté de faire du Liban un exemple en rendant cet Etat faible immédiatement responsable de l’incident du 12 juillet 2006.
Le choix d’une attaque massive sur les infrastructures libanaises visait à démontrer aux autorités iraniennes la détermination de l’Etat d’Israël à projeter la destruction sur les capacités de production pétrolière et sur les infrastructures essentielles du voisin perse.
Face à la menace d’un tir nucléaire susceptible d’annihiler la quasi-totalité de sa population, Israël entendait appliquer à l’Iran le concept de dissuasion préventive.
Cette attaque avait également pour objectif de restaurer l’image de la prédominance technologique et de la supériorité de l’armée nationale.
Enfin, la volonté de détruire militairement le Hezbollah pouvait répondre au dessein américain d’adresser un message clair à l’Iran en détruisant sa base avancée sur la Méditerranée.
De ce fait, l’offensive contre le Hezbollah servait autant les intérêts des Etats-Unis dans leur confrontation avec l’Iran que les intérêts directs israéliens. Il était patent que la destruction des capacités militaires du Hezbollah devenait un objectif prioritaire pour Israël et son allié américain dès lors que se profilait la perspective d’une confrontation avec l’Iran, puissance régionale de premier plan.
Le Liban était donc victime une nouvelle fois de sa faiblesse. Il servait de champ de manoeuvre aux puissances régionales et mondiales. Le mot de Ghassan Tuéni, "Une guerre pour les autres", trouvait ici sa pleine signification.