Middle East Watch
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© George – décembre 2024
Le Monde - Reuters
mercredi 22 رجب 1430
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Accusé par Amnesty International, Human Rights Watch et l’ONU d’avoir causé des pertes civiles et des destructions injustifiables en décembre et janvier dans la bande de Gaza, l’Etat d’Israël a toujours rejeté ces attaques. Plusieurs soldats de Tsahal ayant participé à cette opération affirment aujourd’hui que leurs chefs militaires les ont incités à tirer d’abord et à se préoccuper ensuite de distinguer les combattants des civils.
En conséquence, témoignent-ils, leurs forces se sont ruées dans le territoire enclavé sans retenir leurs tirs. Selon ces trente soldats, dont les témoignages anonymes ont été recueillis par l’ONG Breaking the Silence — financée par des associations israéliennes de défense des droits de l’homme ainsi que les gouvernements britannique, néerlandais et espagnol et l’Union européenne — et sont relayés par le quotidien Haaretz, la priorité de l’armée était de minimiser ses pertes afin de s’assurer du soutien populaire israélien à l’opération. "Mieux vaut atteindre un innocent qu’hésiter à viser un ennemi" : c’est en ces termes qu’un soldat résume la façon dont il a compris les instructions répétées durant les briefings préliminaires et durant l’intervention, qui a duré vingt-deux jours, du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009.
"Dans le doute, tuez. La puissance de feu était insensée. On arrivait et les explosions étaient hallucinantes. Dès l’instant où on arrivait à nos positions, on commençait à tirer sur tout ce qui était suspect", raconte un autre. L’objectif annoncé de l’opération "Plomb durci" était de mettre fin aux tirs de roquettes des activistes islamistes du Hamas vers le sud d’Israël.
Selon une ONG palestinienne, le bilan des combats côté palestinien s’établit à 1 417 tués, dont 926 civils. L’armée israélienne parle de 1 166 morts, dont 295 civils. Côté israélien, dix soldats et trois civils ont péri. Des rues entières de Gaza ont été rasées pour réduire le risque des tireurs embusqués et des pièges explosifs. Selon les Nations unies, les quelque 600 000 tonnes de gravats commencent à peine à être déblayées, six mois après la fin de l’opération.
L’armée israélienne, qui repose essentiellement sur la conscription, interdit formellement à ses soldats de parler aux médias. Le rapport de 112 pages du rapport de Breaking the Silence contient le témoignage de trente soldats "ayant servi dans tous les services impliqués dans l’intervention". "La majorité (...) sont encore en service dans leurs unités et, profondément alarmés par la dégradation morale des Forces de défense israéliennes, se sont tournés vers nous. [Leurs témoignages] suffisent à mettre en doute la crédibilité de la version officielle de l’armée", peut-on lire dans ce document. Dans un communiqué, l’armée israélienne rejette ces critiques, qu’elle estime "basées sur des on-dit", mais s’engage à enquêter en cas de plainte formelle pour exactions, tout en assurant que ses soldats ont respecté le droit international durant "des combats difficiles".